LE MONDE | 23.11.09 |
En russe, Lev veut dire "lion". Lev Dodine est le lion du théâtre russe. Avec sa crinière et sa barbe poivre et sel, ce fauve-là n'a pas besoin de rugir pour en imposer. Il est, à 65 ans, le maître incontesté de la mise en scène. Le public l'adore. Depuis vingt-cinq ans, chaque soir et par tous les temps, son Théâtre Maly, rue Rubinstein au coeur de Saint-Pétersbourg, l'ancienne capitale impériale, fait salle comble. Que ne donnerait-on pas pour se faire enfermer, trois, cinq ou même neuf heures dans le petit écrin noir de la salle ?
Ces jours-ci, la troupe joue, d'une seule traite pendant trois heures, Sa Majesté des mouches, de William Golding. A la deuxième sonnerie, comme il est d'usage en Russie, les portes se ferment définitivement, tant pis pour les retardataires ! Le théâtre est une passion qui requiert un minimum de ponctualité. Cinq minutes de retard et votre billet est bon pour la poubelle. La salle affiche complet, des chaises ont été installées dans les travées. Malheur à celui qui ose déranger la concentration du public. Le moindre toussotement, le plus petit froissement de tissu déclenche aussitôt des regards courroucés.
Le Maly fête aujourd'hui vingt-cinq ans de répertoire. Pour l'occasion, la troupe, une soixantaine d'acteurs, a établi ses quartiers en France, à la MC93 de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Le lieu est un peu la seconde maison de Lev Dodine. C'est de Bobigny que sera lancée l'Année croisée de la culture russe et française, dont les réjouissances se prolongeront en 2010.
Du 7 novembre au 6 décembre, huit spectacles sont présentés à la MC93, de l'incontournable Oncle Vania, d'Anton Tchekhov – la pièce la plus jouée au monde – jusqu'aux Démons, de Fedor Dostoïevski – neuf heures avec entracte – sans oublier Vie et destin, merveilleuse adaptation – en trois heures trente – du roman de Vassili Grossman, l'écrivain des totalitarismes.