Il était encore au lycée que sa réputation de metteur en scène de théâtre était faite à Paris. Ensuite, comme un jeune conquérant (il a incarné Bonaparte à l’écran), Patrice Chéreau a pris d’assaut l’opéra, le cinéma. Ce metteur en scène universel est mort lundi 7 octobre, à 68 ans.
De ses premiers spectacles au théâtre de Sartrouville, alors que la France était prise dans les convulsions de mai 1968, à son triomphe cannois avec La Reine Margot, de sa mise en scène du Ring de Richard Wagner, qui révolutionna le monde de l’opéra, alors qu’il n’avait pas 30 ans, à son dernier spectacle, Elektra, opéra de Richard Strauss, créé à Aix-en-Provence en juillet (voir la retransmission, toujours accessible sur le site Arte live Web), Patrice Chéreau a laissé une empreinte profonde sur son temps.
Il naquit le 2 novembre 1944 à Lézigné, dans le Maine-et-Loire, dans une famille d’artistes. Au lycée Louis-le-Grand, de Paris, il rejoint la troupe de théâtre, dont il devient le metteur en scène, produisant des spectacles dont la renommée passe de loin les murs du vénérable établissement. A 22 ans, il prend la tête du théâtre de Sartrouville après avoir monté L’Affaire de la rue Lourcine, d’Eugène Labiche, d’une manière qui a profondément divisé public et critique. En banlieue parisienne, il assied sa renommée mais ne peut éviter la faillite de son théâtre.
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Il part alors pour l’Italie où il travaille aux côtés de Giorgio Strehler, au Piccolo Teatro de Milan. Il met en scène Marivaux, ou le Toller de Tankred Dorst, autour de la figure du révolutionnaire allemand. Chéreau est alors au cœur du mouvement de contestation de l’ordre établi, tout en proposant des mises en scène construites sur des décors minutieusement conçus par Richard Peduzzi, qu’il a rencontré à Sartrouville, éclairées avec une science qui évoque forcément le cinéma.
WAGNER ET LE TRIOMPHE
En 1971, Roger Planchon, qui dirige le Théâtre national populaire de Villeurbanne, lui demande de le rejoindre. Chéreau met alors en scène des spectacles qui font de lui un grand homme, presque universellement respecté : La Dispute, de Marivaux, Lear d’Edward Bond… Le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez, qui dirige alors au festival de Bayreuth, fait appel au jeune homme (on est en 1976) pour lui confier la mise en scène de la Tétralogie de Wagner, sur les lieux mêmes de sa création un siècle plus tôt. L’irruption dans le monde de l’opéra de l’esthétique de Chéreau dans l’univers wagnérien est un séisme et un triomphe. Capté pour la télévision, ce Ring est diffusé dans le monde entier.
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